1984, année de la publication en allemand du roman Des arbres à abattre de Thomas Bernhard aux éditions Suhrkamp et en 1987 traduit par Bernard Kreiss en France chez Gallimard. Sous-titré Une irritation, Des arbres à abattre est le roman de l’énervement et de la détestation ; le narrateur assiste à un dîner donné par les époux Auersberger en l’honneur d’un comédien à l’occasion de la première d’une pièce d’Ibsen au Burgtheater de Vienne, les époux Auersberger que le narrateur n’a pas vu depuis 30 ans et qu’il déteste. Plus le dîner avance, plus nous pénétrons cette animosité, cette haine si puissante qu’elle finit par contaminer toute la société artistique de la ville de Vienne et, au-delà, de l’Europe entière. Thomas Bernhard y déploie sa géniale maîtrise des voix et ses prodigieuses répétitions qui tournent comme le moteur même de l’obsession.
Dans la continuité de la création de J’ACCUSE [France] et de son travail de recherche et de mise en scène autour d’un théâtre de parole, Sébastien Bournac s’attaque ici à une adaptation de Des arbres à abattre, ce monument de méchanceté et de littérature, un sommet de vindicte et d’incorrection.
C’est avec une comédienne (narratrice et musicienne), Nabila Mekkid, qu’il choisit de se lancer dans cette aventure. Ensemble ils ouvrent un dialogue artistique fécond et prometteur avec l’œuvre de Bernhard.
S’il y a des œuvres de circonstances, Des arbres à abattre est aujourd’hui de celles-là dans ma vie. C’est le moment pour moi de parcourir joyeusement ce paysage intérieur bernhardien. Alors que je vais clore un chapitre important de ma vie d’homme de théâtre en quittant la direction du Théâtre Sorano, et dans la stricte continuité de mon travail de recherche autour d’un théâtre de parole(s), la perspective d’ouvrir sur la scène un dialogue fécond avec le génial roman-théâtre de Thomas Bernhard est pleine de promesses, ce qu’il y a pour moi de plus pertinent et de plus réjouissant.
Pour commencer, je choisis de faire du sous-titre du roman, le titre même de cette adaptation : Une irritation.
Comment mieux qualifier en effet ce texte de Bernhard qui se présente comme une longue phrase tourbillonnante et presque sans ponctuation : une inflammation de la parole, un échauffement du verbe, une excitation du style qui court sur plus de 200 pages. Tout l’espace-temps d’une soirée, d’un dîner artistique mortellement interminable au cours duquel les fantômes de toute une vie sont convoqués. C’est cette phrase précisément et son déploiement extraordinaire qui, avant toute autre chose, fait théâtre à mes yeux.
Elle procède d’une urgence à écrire ici « avant qu’il ne soit trop tard ». J’aimerais donner à sentir sur la scène l’urgence et la nécessité du dire « immédiatement et sans délai ».
Écrire pour Bernhard, comme faire du théâtre pour moi (toute proportion gardée), c’est résister à un ordre insupportable du monde et à la mort qui nous envahit. Il est question de sauver quelque chose de ce désastre, de nos effondrements et d’une déroute générale par l’exercice de son art. Pour ne pas crever.
Enfoncé dans son fauteuil à oreilles, le narrateur de cette autofiction satirique qui fit grand scandale à sa publication, observe une petite société d’intellectuels provinciaux dans laquelle il s’est construit dans les années 1950 et avec laquelle il a rompu 30 ans plus tôt.
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Un projet de la compagnie Tabula Rasa
Texte : Thomas Bernhard
Adaptation et mise en scène : Sébastien Bournac
Avec : Nabila Mekkid
Scénographie : Jérôme Souillot
Création lumière : Philippe Ferreira
Création son : Loïc Célestin
Régie générale : Ludovic Heime
Administration et production : Allan Périé
Chargé d’administration : Julien Guiard
Diffusion : Sophie Roy
Production : Compagnie Tabula Rasa
Coproduction : Théâtre Sorano – Toulouse
Avec le soutien du ThéâtredelaCité – CDN Toulouse Occitanie
La compagnie Tabula Rasa est conventionnée par la Direction régionale des affaires culturelles Occitanie et par la Ville de Toulouse.
La compagnie Tabula Rasa est en partenariat artistique avec le Théâtre Sorano jusqu’en décembre 2024.
Le roman Des arbres à abattre est publié aux éditions Gallimard. Thomas Bernhard est représenté en France par L’Arche éditeur – agent théâtral.
Le roman de Thomas Bernhard est à l’origine écrit à la première personne du singulier.
Crédit photo d’illustration : Yves Marchand & Romain Meffre
Théâtre Sorano, 35 All. Jules Guesde, 31000 Toulouse, France
du 10 Déc 2024 au 13 Déc 2024
Le spectacle débute à 20h.
Réservation sur place ou au 05 32 09 32 35,
et sur la billetterie en ligne du Théâtre Sorano
du 11 Déc 2024 au 12 Déc 2024