logo Compagnie Tabula Rasa

L’Héritier de Village



Texte de Marivaux

Retour à Marivaux - ou - "De quoi riez-vous donc ? C'est de vous-mêmes ! ... Espèces de ..."




Après plusieurs années à explorer le répertoire contemporain (Koltès, Lagarce, Pasolini …), voici que me revient le désir d’ouvrir un chantier de théâtre sur quelques pièces en un acte de Marivaux dont la dramaturgie condensée et épurée me fascine.

L’Héritier de village (1725), Le Legs (1736), L’épreuve (1740) : trois comédies violentes qui mettent à nu les structures essentielles du théâtre de Marivaux : la langue et les acteurs.

En attendant de mettre en scène dans les prochains mois Le Legs et L’épreuve, entrelacées au cours d’un même spectacle, et pour répondre à mon désir d’un « théâtre par les villages », voici donc L’Héritier de village, une pièce de Marivaux étrangement méconnue qui mérite qu’on s’y arrête. Sans doute l’une de ses œuvres les plus corrosives, comme l’écrit Bernard Dort.



Le sujet n’en est pas nouveau : l’argent, les méfaits de l’argent. Et la situation (un paysan enrichi par un héritage s’aventure dans la vie mondaine) a déjà été développée par d’autres. Molière, par exemple avec Georges Dandin. Mais l’originalité de Marivaux est de ne pas s’en tenir à une farce paysanne ou à une comédie de mœurs ; il met l’accent sur la comédie des usages.

En mettant en scène Blaise et sa famille qui s’exercent sérieusement quoique maladroitement à jouer devant nos yeux les personnages auxquels ils se croient destinés par leur fortune soudaine (et non par ambition personnelle), c’est tout la facticité de ce langage et de ces manières qui nous est révélé : « une éducation sociale selon la déraison et les conventions d’une société factice ».

Face à ces paysans singeant le beau monde, une autre comédie se joue : celle de personnes de qualité (Madame Damis, Le Chevalier) qui, loin de se reconnaître avec leurs vices et leurs ridicules, utilisent leurs belles manières pour se procurer de l’argent.

Derrière cette double comédie de L’Héritier de village, c’est la comédie même de la société, avec ses conventions et ses travestissements, qui est en mise en question.

[Lire la suite...]

La modernité ici émerveille : le recours aux procédés du théâtre dans le théâtre fait penser à Brecht ou encore à Pirandello – la pièce pourrait être sous titrée Je rêve (mais peut être que non). Marivaux, en entrelaçant subtilement dans L’Héritier de village les fils de la réalité et de la fiction, de la raison et de la déraison, du cœur et des apparences, ébauche un théâtre critique. Un théâtre de la conscience ?

Pasolini – et tant d’autres, bien sûr – pourrait n’être pas si loin : « Il faut dire plus fort que jamais son mépris envers la bourgeoisie, hurler contre la vulgarité, cracher sur l’irréalité qu’elle a choisie comme seule réalité. »

Bien sur le coup de théâtre vient dissiper l’illusion et les malentendus. Gens de qualité et paysans s’en retournent chez eux. Et le monde reste inchangé.

Mais ce détour par le rêve, c’est-à-dire par ce qui n’est pas, nous provoque une grande jubilation (liée sans doute à une forme de reconnaissance : nous ne sommes pas dupes !) et un intense plaisir comique. Nous rirons donc tout en sachant qu’il n’y a pas lieu de rire.

Mais surtout « ne tournons pas en douleur ce qui fut, amoureusement, créé pour notre plaisir. Disputons donc, comme disputent les « agriables criatures » qui peuplent les rêves marivaudiens. Jouons à la dispute, pour faire semblant de faire semblant », ainsi que l’écrit le dramaturge Jean Goldzink.

Les pièces de Marivaux, comme les oeuvres de Mozart d’ailleurs, vont contre la chape de plomb contemporaine qui change le comique en gravité, le jeu en enjeu.

création 2003


Mise en scène et scénographie : Sébastien Bournac

Avec
Madame Damis – Clémence Barbier
Le Chevalier – Antoine Sterne
Blaise, paysanAbdelghafour Elaaziz
Claudine, femme de BlaiseMarie Dablanc
Colin, fils de BlaiseFrédéric Roudier
Colette, fille de BlaiseVirginie Vives
Arlequin, valet de Blaise Victor Gauthier-Martin
Le Fiscal – Elliot
L’Homme sans souci – Stéphane Facco

Collaboration artistique : Caroline Chausson
Lumières : Carlos Stavisky
Costumes : Stéphane Facco
Travail chorégraphique : Magali Noiret
Musique du divertissement : Pascal Sangla
Régie technique : Lydie Carras
Décorateur : Pierre Dequivre
Assistante à la production : Inès Fehner

Production Tabula Rasa Cie.
Avec l’aide à la production du TNT – Théâtre National de Toulouse, de la Mairie de Toulouse, de la Communauté des Communes Lot et Tolzac. Avec le soutien de la Caisse d’Epargne, de la Librairie Ombres Blanches, du Théâtre Garonne et de la commune de Tombebœuf.


Revue de presse


DDM-QUADRI-2013

Marivaux en plein air

19/07/2003

La cie Tabula Rasa investit la cour de l’Hôtel d’Assézat avec « L’Héritier de Village »

Météo au beau fixe, cadre d’exception, auteur corrosif, comédiens pleins de punch. Tout semble réuni pour que les trois représentations de « L’Héritier de village » de Marivaux rencontrent son public. Cette pièce, présentée du 22 au 24 juillet en plein air dans la cour Renaissance de l’Hôtel d’Assézat, est la première production d’une toute jeune compagnie toulousaine, Tabula Rasa, fondée en janvier.

« Après quatre années de répertoire contemporain, j’ai eu envie de monter un classique », dit le metteur en scène, Sébastien Bournac, qui travaille aux côtés de Jacques Nichet au Théâtre National de Toulouse depuis 1999. Les huit comédiens qu’il a réunis pour « L’Héritier de Village » renouent avec l’esprit du théâtre de tréteau.

Ils partent pour une tournée de quatorze dates dans des communes de la région, avec cette comédie grinçante vieille de presque trois siècles, mais toujours d’actualité. Car à travers l’histoire de ce paysan devenu richissime du jour au lendemain en héritant de la manne innespérée et colossale de 100.000F (l’équivalent de plusieurs millions d’euros), on pourrait reconnaître un milliardaire du loto.

De simple paysan qu’il était, Blaise devient un personnage important du village. Il veut entrer dans le biau monde, dont il singe les manières, pense épouser une jeune fille de la noblesse, donne de grandes fêtes, devient un parti intéressant pour les gens de la belle société qui utilisent leurs bonnes manières pour lui soutirer de l’argent … Jusqu’à ce que la nouvelle de la faillite du banquer vienne anéantir tous ces rêves de grandeur.

Jouer un peu partout. L’argent, les méfaits de l’argent … Le thème a déjà été développé par d’autres. Molière par exemple avec « Georges Dandin ». Mais l’originalité de Marivaux est de ne pas s’en tenir à une farce paysanne ou à une comédie de moeurs, il met l’accent sur « la comédie des usages », dit Sébastien Bournac. C’est la comédie même de la société, avec ses conventions et ses travestissements qui est mise en question. La modernité de Marivaux, qui a recours aux procédés du théâtre dans le théâtre « fait penser à Brecht ou à Pirandello ».

Ancrés dans les terres du « Grand Sud », les huit comédiens de Tabula Rasa veulent pouvoir jouer partout dans la région : places de village, festivals, salles des fêtes. Ils ont réalisé un décor de planches tout simple qyu se monte et se démonte facilement. A Toulouse, le cadre ravissant de l’Hôtel d’Assézat se suffit complètement.


logo_3259

Du théâtre comme on l’aime

22/08/2003

Un grand professionnalisme, de l’énergie à revendre, du talent à fleur de peau, les comédiens de Tabula Rasa ont séduit et conquis un public qui s’est passionné par leur jeu et leur présence scénique.

« Après plusieurs années à explorer le répertoire contemporain, voici que me revient le désir d’ouvrir un chantier de théâtre sur quelques pièces en un acte de Marivaux dont la dramaturgie condensée et épurée me fascine » écrira Sébastien Bournac, le metteur en scène. Il souhaitait mettre en place un « théâtre par les villages », voici dont l’Héritier de village de Marivaux.

La pièce est peu connue, derrière cette comédie on retrouve la comédie même de la société avec ses conventions et ses travestissements. « Il n’y a qu’une seule réalité dans cette société, c’est l’argent, qui fonde toutes les valeurs, qui régit jusqu’à l’amour ». Tout le reste n’est que faux semblants, que comédie … » terriblement d’actualité les écrits de Marivaux. Les comédiens ont offert au public une soirée de qualité, car la pièce n’est pas facile, dans un vieux français les paysans nouvellement enrichis par un héritage s’aventurent dans la vie mondaine, avec les quiproquos.

« Face à ses paysans singeant le beau monde, un autre comédie se joue : celle des personnes de qualité qui, loin de se reconnaître avec leurs vices et leurs ridicules, utilisent leurs belles manières pour se procurer de l’argent ». Comme tout cela est d’actualité !

Un spectacle de qualité a été proposé à Meilhan. Les comédiens Clémence Barbier, Antoine Sterne, Abdelghafou Elaaziz, Marie Dablanc, Frédéric Roubier, Virginie Vivies, Victor Gauthier-Martin, Loïc, Stéphane Facco et tous les techniciens ont apporté au public un moment de détente.

Après les applaudissements, tous se sont retrouvés sur scène et ont lu le manifeste qui décrit l’avenir des intermittents qu’ils sont et qui offrent tant de bonheur aux gens des villes comme ceux des campagnes.

Le public s’est largement associé à leurs revendications par des encouragements nourris.